Les agents des collectivités sont les chevilles ouvrières essentielles à la mise en œuvre des politiques publiques. Sans des agents compétents et motivés, point de salut pour un programme politique, quel qu’il soit.

Dans un tract daté du 5 mars 2020, distribué à l’ensemble des agents de la Ville de Nancy, le maire de Nancy – qui n’était alors que candidat – affirmait ses engagements, au nombre de 11, concernant la politique de gestion des ressources humaines.

Quatre ans après, à la lumière d’indicateurs communiqués par la Ville (en particulier le rapport social unique de 2022) et de faits objectifs, qu’en est-il du respect de quelques-uns de ces engagements ?

Qu’en est-il de la mise en œuvre au quotidien confiée quasi-exclusivement à l’adjointe déléguée (entre autres) aux ressources financières et humaines et au dialogue social.

Voici un premier bilan*.

  1. Dialogue social :

En mars 2020, l’actuel maire de Nancy s’engageait à « créer un dialogue constructif et serein au sein des différentes instances et des commissions paritaires » (proposition N°1). Toutefois, depuis son élection, le maire de Nancy a délégué l’essentiel du dialogue social à son adjointe déléguée et à la directrice Générale des Services, à qui il a laissé, de fait, la main sur ce sujet. En particulier, il n’a présidé aucun Comité Social Territorial (équivalent du comité d’entreprise dans la fonction publique) et n’a jamais participé à une réunion des instances paritaires, lieu d’échanges et de co-construction avec les organisations syndicales. Cette posture est inédite à la Ville de Nancy.

Or, les représentants du personnel ont alerté à la mi-2023 des difficultés à mener le dialogue social. Cette alerte n’a pas été entendue, ce qui a conduit à un conflit social historique, dont le paroxysme sera atteint, la même année, lors des festivités de la Saint-Nicolas, avec l’épisode rocambolesque de la mystérieuse disparition des chars de leur hangar de stockage.

Pourtant les demandes des représentants du personnel étaient légitimes :

  • que les agents disposent de la prime de pouvoir d’achat rendue possible par l’État, mais à la discrétion des collectivités territoriales. Rappelons que tous les fonctionnaires d’État et de la fonction publique hospitalière ont bénéficié de cette prime. Ceux de la ville de Nancy n’auront finalement eu cette prime que sur des montants tronqués. Les fonctionnaires de la ville de Nancy seraient-ils moins atteints par l’inflation que tous leurs collègues ? Et il aura fallu attendre le conseil municipal du 25 mars dernier pour qu’une solution ponctuelle soit votée, à savoir une prime exceptionnelle complémentaire, arrachée par les organisations syndicales contraintes d’intervenir en séances publiques du conseil municipal. Du jamais vu !
  • que les primes instituées en 2018 soient réévaluées, comme le prévoit, tous les trois ans, la délibération qui les a précisément instituées en 2018. La réévaluation qui aurait dû avoir lieu en 2021 n’a pas été mise en œuvre à ce jour.

Comment ne pas s’étonner de cette situation alors que, dans son ouvrage « Gestion des ressources humaines », publié en 2004, l’adjointe déléguée rappelait les activités au cœur de la fonction « Ressources Humaines » : « Qualité de vie au travail, climat interne : amélioration des conditions de travail, bien être des salariés, communication interne ; et maintien des relations sociales : respect du droit des salariés, négociation collective, gestion des conflits. » La gestion de la crise de la Saint Nicolas n’en serait-elle pas le contre-exemple parfait ?

  1. Prévention des risques et lutte contre la précarité des agents

Quant au bien-être au travail, il semble bien n’être resté qu’un slogan de campagne. En effet, il faut rappeler que « les indicateurs d’une crise sociale » sont les « augmentation des revendications diverses, augmentation des indicateurs de dysfonctionnements traditionnels : turn-over, absentéisme… ». Ce n’est pas nous qui l’affirmons mais toujours l’adjointe déléguée dans son ouvrage de 2004 (page 217).

Or, les indicateurs à notre disposition, en particulier les bilans sociaux soumis aux instances paritaires, montrent que nous sommes dans une telle situation de crise :

  • augmentation de 96% du nombre de fonctionnaires absents pour raison de santé de 2019 à 2022 ;
  • augmentation de 68% du nombre de journées d’absence de 2019 à 2022 ;
  • augmentation de 120% des visites médicales à la demande de l’agent auprès du médecin du travail.

Ces éléments tendent à démontrer un réel mal-être au travail.

Et que dire de l’augmentation de 173% du nombre de contractuels sur emplois permanents observée entre 2019 et 2022 ? Il s’agit là encore d’un signal fort d’un turn-over et d’une défiance vis-à-vis des fonctionnaires qui sont pourtant les garants d’une continuité de service public de qualité.

  1. L’inclusion et jeunesse

La situation n’est pas plus positive s’agissant de la politique d’inclusion et de formation.

Ainsi, alors que l’actuel maire s’était engagé à favoriser le recrutement des personnes en situation de handicap (proposition n°9), le nombre d’agents disposant de la qualité de travailleur handicapé a baissé de plus de 20%, passant de 8,95% en 2019 à 7,14% en 2022.

L’avenir est inquiétant, mais l’avenir est-il un sujet aujourd’hui à la Ville de Nancy quand on constate la baisse drastique du nombre d’apprentis sur la même période : – 33% et même -50% hors CCAS.

S’agissant de la formation des agents, ce n’est guère mieux : le nombre de journées de formation suivies par fonctionnaire a chuté de 28%, alors que les coûts dédiés ont bondi.

 

En conclusion, le climat social à la ville de Nancy est très sombre. Nous sommes manifestement dans un cycle « perdant-perdant » :

  • perdant pour les agents qui doivent se battre pour bénéficier de ce que prévoient pourtant le cadre législatif comme les mesures prises lors du mandat précédant ;
  • perdant pour les Nancéiens, étant donné que la désorganisation, les départs des agents, les grèves, les primes arrachées dans le conflit desservent la qualité du service public légitimement attendu par les habitants au quotidien.

Et ce alors que les frais de personnels ont connu une forte augmentation entre 2019 et 2022 : +14,2% d’augmentation (à périmètre de mission égal). En résumé, une gestion des ressources humaines moins qualitative et plus chère. Y aurait-il un lien avec la promesse de stabilité fiscale, également trahie à la suite de l’augmentation des impôts de 14,5% pour les Nancéiens laquelle s’ajoute à celle de 9,5% pour les Métropolitains (le fameux double effet kiss-cool).

Ces quelques éléments ne sont qu’un premier bilan, nécessairement partiel, de la situation du dialogue social à la Ville de Nancy. Nous y reviendrons dans quelques temps, lorsque d’autres données chiffrées seront à notre disposition, et nous formulerons des propositions afin d’améliorer la situation.

 

 

 

* Ce premier bilan se fonde sur l’examen de documents qui doivent obligatoirement être établis par la collectivité. Ces documents nous ont été fournis il y a quelques mois à notre demande et après saisine de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), autorité administrative nationale indépendante chargée de veiller à la liberté d’accès aux documents administratifs. Le service des ressources humaines mutualisé de la Ville de Nancy et de la Métropole du Grand Nancy a en effet refusé d’accuser réception de notre demande et n’a pas communiqué les documents demandés dans le délai imparti, nous forçant ainsi à saisir cette Commission. Illustration supplémentaire du manque de transparence caractérisant le fonctionnement actuel de la Ville et de la Métropole.