Les jeux olympiques et paralympiques “Paris 2024”, qui ont fait battre le cœur de toute la France, ont été une réussite tant sur le plan sportif qu’en termes de rayonnement international. Ils ont été une source de fierté nationale indéniable autant qu’ils ont permis de célébrer nos athlètes mais aussi de nous retrouver. Ces jeux ont ainsi démontré que la devise « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble » demeure pertinente.

Alors que, à la suite de la rentrée, les journées « portes ouvertes » des clubs s’organisent, et qu’on l’espère, les inscriptions se concrétisent, nous souhaitons partager notre regard sur la politique sportive déployée par la Métropole du Grand Nancy sous le prisme des infrastructures dédiées. L’état des lieux de la situation actuelle est à l’origine d’un certain nombre de craintes et doutes (I) lesquelles justifient de développer une ambition sportive renouvelée tant pour amplifier les performances de nos clubs et associations sportives que la satisfaction et le bien-être des habitants qui pratiquent le sport librement (II).

  1. Les équipements sportifs métropolitains : une situation dégradée

Selon l’analyse réalisée par SCALEN, la Métropole du Grand Nancy a longtemps été considérée comme étant bien pourvue en équipements sportifs. Ainsi, en ce qui concerne aussi bien les piscines, les stades que les installations indoor, le taux d’équipements sportifs était particulièrement important. Fruit, sans doute, d’investissements réguliers. Il en va cependant aujourd’hui tout différemment. Plusieurs exemples illustrent ainsi la dégradation de la politique d’investissement dans les équipements sportifs métropolitains.

Il s’agit tout d’abord du projet d’ARENA porté depuis 2018 par le Président du Grand Nancy Volley Ball. Alors qu’elle aurait dû être l’infrastructure sportive majeure au sein du campus ARTEM, cette Arena ultra-moderne de 3000 places ne verra finalement pas le jour, faute de financement public et de portage politique. Elle se justifiait pourtant pleinement compte tenu de l’absence, sur ce campus urbain à haute fréquentation, d’un équipement sportif de grande ampleur pouvant profiter à tous : étudiants, scolaires, et associations. Ce n’est pas le moindre des paradoxes qu’à l’heure de la mutualisation des moyens et des ressources à tous les niveaux, un tel projet n’ait pu voir le jour, au détriment d’un quartier en renouveau concentrant les forces vives de la métropole.

Le collège Nikki de Saint Phalle, ouvert en septembre 2022 sur le site Artem, constitue un autre exemple de l’incurie en matière d’équipement sportif. Ce collège ne dispose en effet pas d’installations sportives adjacentes dont pourraient profiter les élèves. Comment peut-on encore construire un nouveau collège sans concevoir, dans le même temps et au même endroit, la réalisation d’un équipement intégré pour les jeunes ? L’EPS est décidément la grande oubliée des collectivités territoriales, alors même qu’elles sont compétentes en la matière.

Comment, dans ce contexte, ne pas évoquer également la situation préoccupante de Nancy Thermal, équipement phare pour tout le territoire. Il ne s’agit pas d’évoquer ici les multiples mésaventures, fermetures, reports en lien avec des problèmes techniques, des fuites ou des non conformités, mais il s’agit de souligner un élément majeur  : les caractéristiques du bassin olympique ne lui permettent pas d’être homologué comme tel  ! Ici, le sujet n’est pas Valvital et la délégation de service public, mais celui de la responsabilité du maître d’ouvrage métropolitain au niveau de l’élaboration du projet de rénovation. Cette absence de label n’est pas qu’une question de pure forme mais va empêcher la tenue, à Nancy Thermal, de grandes compétitions et d’entraînements de haut niveau, contribuant à reléguer Nancy tant au plan sportif qu’au plan de l’attractivité.

Toujours dans le domaine de l’aquasport, la Métropole du Grand Nancy disposait, jusqu’à sa fermeture en janvier 2022, avec la piscine de Gentilly, d’un bassin Olympique d’une qualité exceptionnelle qui a attiré de très nombreux évènements et manifestations de natation, avec de grands athlètes. En raison de l’état de cet équipement, l’annonce a été faite en juin 2024 d’opter pour sa reconstruction complète. Au-delà de cette annonce, plusieurs questions demeure. Tout d’abord,  celle du coût : alors que ce projet était initialement estimé à 30 millions d’euros, il le serait désormais, avant le premier coup de pioche, à 35 millions. Ensuite, celle des délai : la livraison n’est envisagée qu’à horizon 2030, soit dans 6 ans, qui viennent s’ajouter aux 2 ans et demi d’études de faisabilité toujours en cours depuis 2022 : un délai tout de même particulièrement long dans ce domaine d’activité. Par ailleurs, celle de la nature du projet : on apprend par voie de presse que la question de la longueur du grand bassin est enfin réglée : il sera de 50mètre et non de 25 mètres, permettant – en principe – d’accueillir des compétitions d’ampleur et faire en sorte que Nancy reste au niveau dans le domaine aquatique, sous réserve que toutes les conditions d’homologations soient réunies. Ceci qui devra être un point d’attention. Enfin, celle de l’opportunité : cette situation n’aurait-elle pas pu être l’occasion de réfléchir à la construction d’un équipement sportif moderne, complet (piscine, gymnase, stade en extérieur) et de proximité, par exemple à la Pépinière en lieu et place du Gymnase Jacquet et du stade Maurice de Vienne. La question aurait au moins pu être posée.

Pour rester encore un peu les pieds dans l’eau, n’est-il pas surprenant de constater que l’édition 2024 de la Plage des 2 Rives, réalisation emblématique et fortement médiatisée, ait vu sa durée d’ouverture significativement réduite de plus de 15 jours par rapport aux éditions précédentes. Chacun connait l’importance du coût de fonctionnement annuel de ce lieu au-delà de l’investissement initial : est-ce là l’explication de cette restriction, alors même que ce site est présenté comme un succès remarquable en termes de fréquentation ? Serait-ce le début d’un retour à la raison ?

Dans le même esprit, le Pôle France d’aviron de Nancy va perdre ses « rameurs d’élite ». Ce ne sont pas moins de 25 rameurs qui se sont alignés depuis la création du Pôle France de Nancy dans les compétitions olympiques. Or, Nancy ne sera pas le site du futur centre national d’entrainement.  C’est donc une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui venaient à Nancy se confronter aux meilleurs afin de se préparer aux grandes compétitions d’aviron.  Même si Nancy se verra confier de nouvelles missions, c’est une signal négatif illustrant une nouvelle forme de relégation.

Pour rester sur le sujet olympique, les jeux de Paris 2024 auraient dû être une opportunité unique pour mettre en valeur nos équipements sportifs métropolitains. La Métropole du Grand Nancy, labellisée « Terre de Jeux 2024 », affirmait être une base arrière pour la venue de délégations afin de préparer les compétitions : il n’en a rien été puisque les délégations ont été accueillies par le CREPS, dont les financements sont assurés par la Région et par l’Etat. Qu’en est-il de la mise en valeur des installations sportives métropolitaines dont il était légitime de penser qu’elles avaient le niveau et la capacité d’accueil critique suffisante comme le campus sportif des Aiguillettes à Villers-lès-Nancy ou encore le stade Raymond Petit à Tomblaine ? Et, de manière générale, quel aura été l’apport de label “Terre de Jeux 2024” ?

S’agissant, enfin, de la plaine Flageul, son aménagement est destiné à donner vie, d’ici quelques années, à un large et vaste espace autour d’équipements sportifs et de loisirs. Mais quels seront la maîtrise et le contrôle opérés par la Métropole sur ce site majeur lancé et financé exclusivement par un opérateur bancaire privé, auquel il a été cédé à des conditions pour le moins avantageuses…

2. Pour une stratégie renouvelée

La politique sportive nécessite une stratégie d’ensemble, une maîtrise garantie autour des projets et une anticipation des besoins, et cela passe nécessairement par une coordination métropolitaine renforcée. Nous formulons quatre premières propositions :

a) Un schéma directeur des équipements sportifs

Quoiqu’il en soit, et quelle que soit l’ampleur des projets, un préalable s’impose : la réalisation d’un schéma directeurs des équipements sportifs métropolitains. Il est en effet nécessaire – à l’instar des équipements culturels – définir les besoins actuels en termes d’équipements sportifs, d’établir un état des lieux des équipements existants, d’évaluer l’adaptation de ces équipements aux besoins actuels, développer une stratégie, comprenant la définition de priorités concernant la fermeture, la mise à niveau, l’entretien, la rénovation des équipements existants ainsi que la création de nouveaux et l’établissement d’un plan pluriannuel de financement. C’est dans cette voie que Reims s’est engagée en mobilisant 150 millions d’euros sur 10 ans aux profits des équipements existants et nouveaux. Pourquoi pas Nancy ?

b) Un accompagnement renforcé des pratiques libres

L’enquête nationale sur les pratiques physiques et sportives (ENPPS) de 2020 a permis d’établir que 65 % des 15 ans et plus pratiquent une activité physique et sportive régulière alors que plus d’une personne sur dix (13 %) se déclare en revanche sans aucune activité physique et sportive à des fins de loisir au cours. Le soutien aux pratiques libres est donc absolument essentiel.

Les nouvelles pratiques sportives urbaines qui permettent à tous, en dehors d’horaire ou d’un cadre strict, de pratiquer un sport en toute liberté se sont fortement développées à Nancy. Et pourtant depuis la création du skate parc des et du pumptrack rives de Meurthe, aucun investissement de grande envergure n’a eu lieu. Dans une optique de Sport-Santé, il s’avère nécessaire de favoriser l’installation d’équipements dans tous les parcs et jardins publics, y compris au fil des parcours de santé, permettant une liberté de choix en extérieur (en prévoyant des parcours ombragés et des accès à des points d’eau).

La possibilité de renforcer la pratique libre en intérieur doit également être explorée et approfondie, par exemple en permettant l’accès aux équipements communaux, métropolitains ou même universitaires lors de créneaux dédiés.

c) Une meilleure coordination métropolitaine et un fond de concours pour les communes

Alors que les grands investissements sportifs ne sont manifestement plus d’actualité actuellement au sein de la Métropole, il est nécessaire d’assurer une meilleure coordination dans les investissements de communes en faveur des investissements sportif de proximité.

La Métropole pourrait, par exemple, mettre à disposition des communes intéressées, un fond de concours, pour participer à la mise en place de ces aménagements sportifs, en fonction des différents projets des communes intéressées, notamment à destination du jeune public, venant ainsi compléter ou abonder des budgets participatifs dédiés.

On notera que la ville de Vandoeuvre-lès-Nancy vient de décider de se doter d’un équipement sportif urbain au parc Richard Pouille pour la pratique BMX, sport mis en lumière lors des derniers JO. Comment ne pas regretter l’absence de participation financière métropolitaine ! Le Grand Nancy ne devrait-il pas avoir une fonction de coordination et de suivi sur l’ensemble du territoire métropolitain ? Ne devrait-on pas passer d’une logique d’implantation isolées au niveau municipal à une logique d’un maillage équilibré sur tout le territoire métropolitain. Poser ces questions, c’est y répondre…

d) Une réelle ambition pour adapter les équipements et aménagements au changement climatique, pour la santé des sportifs occasionnels, amateurs ou professionnels

Le domaine sportif est un des grands absents du Plan Climat Air Energie Territorial adopté par le Grand Nancy en 2023 et de son plan d’actions 2023-2028. Et c’est un manque auquel il faut palier au plus vite. Il faut sortir de l’affichage et belles paroles en matière d’écologie, mais bien se donner les moyens de réellement transformer et adapter le territoire. Les ressources ne manquent pas : le Shift project a ainsi lancé un programme ambitieux autour du sport ; l’ADEME a également publié un nouvel avis sur l’avenir de l’activité physique et sportive dans un contexte de changement climatique.

Une action en ce sens est nécessaire parce que le sport est une activté très sensible au changement climatique dont les effets se font déjà sentir.  En particulier, les vagues de chaleur, les pics de pollution limitent la pratique, avec une diminution marquée chez les personnes âgées ou ayant une maladie chronique. Dans un scénario à +4°C à horizon 2100, « les jours pour lesquels la pratique sera trop dangereuse s’élèveront au nombre de 22 en moyenne sur toute la France » selon ADEME. Le WWF annonce quant à lui dans ce même scénario, que « les vagues de chaleur pourraient rendre impossible l’entraînement ou la compétition près de 2 mois par an en France ». Deux mois !  Nancy sera sans aucun doute moins concernée que Nice ou Bordeaux, mais il reste important d’améliorer l’infrastructure sportive et urbaine et de prendre au plus vite le virage de l’adaptation des équipements (modernisation, rénovation thermique…) et aménagements (mise en place d’un « urbanisme favorable à la santé ») pour garantir leur usage dans la durée, et toute l’année.

Enfin, il faut retenir que, malgré sa part modeste dans la consommation énergétique nationale, le secteur sportif a un rôle crucial à jouer dans la transition écologique : sa visibilité médiatique et symbolique lui confère une responsabilité toute particulière. Il a un rôle prépondérant dans la transmission des valeurs entre les individus et est un important potentiel de diffusion d’informations étayées ou de bonnes pratiques. C’est un moteur puissant du changement nécessaire pour un avenir plus durable. Investissons-le !

 

Crédits photo : Régine Datin

“La campagne est propice pour observer les nuages et pour l’implantation de terrains de basket”, Gilbert Coqalane